Les cris du jour ou l'écrit du jour ? C'est peut-être le texte de la semaine (et pourquoi pas de l'année ?!!!!)
directement sorti de mon inspiration poétique, où chacun est libre de traverser la frontière entre fiction et réalité...
Bonnes lectures !

samedi 20 décembre 2014

Poésie participative

Matin frais
Horizon clair
Ciel encore sous la couette                      (bâillement)
Cimes immaculées
Pentes striées de rameaux de hêtres
Rayons filtrant
Flirtant parmi les pousses tendres            (3-4 "coucou")
Inondant les sous bois embaumants
Ail des ours annonçant le muguet
Les semelles glissent sur la boue
Traversant les derniers névés                   (2-3 "froutch froutch")

Le pas s’allonge
Les plumes s’affairent
Les nichées poussent de petits cris duveteux
Les griffes se lèchent les babines             (« à table !»)

Les routes luisent encore parfois
Les villes se réveillent
Les banlieues sortent des brumes
Les façades s’animent
Les maisons se vident
Les périph’ s’embouteillent                      (2-3 "tut tut")
Les quartiers se cherchent
Les quartiers s’ignorent
Des silhouettes se rencontrent dans les rames        (2-3 "catac catoum")
Les parfums se croisent
Les narines s’entêtent
Les neurones se tâtent
Les bureaux se remplissent
Les paupières se pochent
Les peaux se frôlent
Des jeunes
Des vieilles
Du nord
Du sud
Les accents parfois dévoilent des origines
Des regards se rencontrent parfois

Tous les goûts sont dans la nature
Tous les coups sont permis
Les coups doux
Les coups durs
Des résistances s’affichent
Des avis se cachent
Des esprits trichent
Des colères se fâchent
Des vies se heurtent
Des vices se frottent
Des corps se fracassent

Puis les pas dansent
Sur des rythmes stroboscopiques          (mouvements de bras ondulants)
Et le monde se réconcilie sous les flons-flons
Se chauffe la couenne au bord des flots            ("chouchous, beignets")
Déambule en maillot
Fait le beau
Midi est au zénith
La foule fait la sieste
Croque dans des fruits juteux
Gorgés de soleil
Le temps se pose

Puis tout redescend
Les feuilles meurent et s’envolent
Les écureuils planquent leurs noisettes
Les ours aménagent leurs tanières
La neige vient
La nuit tombe
Les vitrines s’illuminent
Les comptes se vident
Si tu peux fais bombance
Les foies sont en transe
Chacun cherche la lumière
Pour soi
Certains la partagent
Certains la jalousent

Et pendant ce temps
Des âmes saignent
Des cauchemars règnent
Douleurs indicibles
Mots indécents
Insensés
Incolores
Mais pas indolores

J’ose croire en une nature multicolore
Je veux et j’exige une humanité lumineuse       ("ouais !")
J’espère une fraternité accessible                    ("ouais ! ouais !")
J’aspire à une trêve éternelle                           ("ouais ! ouais ! ouais !")
Intrépide
Un réel équilibre
Je rêve de vies légères arcs-en-ciel         (quelques personnes s’embrassent)


Texte partagé lors de la soirée "Slam-poésie" au restaurant "Le mot à la bouche" de Valence, Samedi 21 décembre 2014 et dont le thème était "Les couleurs de la nature". Convaincu par la devise du Streetbooming : « ensemble JE suis plus nombreux » ! et impressionné par les démarches de démocratie participative, j’ai proposé d’expérimenter la "poésie participative" !
Merci encore aux participants d'avoir joué le jeu avec autant de joie !!!
(j'avais distribué à chacun les indications de ce qu'il devait dire, entre parenthèse dans le texte ci-dessus, et à quel moment... et tous ont adorablement participé !)

vendredi 19 décembre 2014

Très gros coup de coeur !

Les cris du jour n'a pas vocation à faire de la pub mais là, je ne résiste pas à vous vanter la qualité d'un recueil de poésie que je viens de découvrir, tout juste sorti du four (achevé d'imprimer le 10 décembre 2014) c'est un vrai bonheur de le déguster tout chaud !

"Histoires papier" est un coffret cartonné où sont glissés une poignée de livrets contenant une vingtaine de textes superbement illustrés. La compagnie "Haut les mains" à l'initiative de ce superbe projet a travaillé avec l'Atelier du Hanneton pour réaliser 600 exemplaires de ce bijou et je vous conseille de les contacter au plus tôt si vous souhaitez vous procurer ce magnifique objet !

En bonus, les textes, écrits par une dizaine de poètes, ont été mis en musique, accompagnés à la contrebasse, à l'accordéon, etc. un délice je vous dis !!!

à écouter et à lire d'urgence...

mardi 2 décembre 2014

Exquise actu ?

En ce moment
dans un TGV
les feuilles d'automne
espèrent
l'Elysée
en chantant
parce que la Terre tremble

Très tôt ce matin, avant que le jour ne se lève
sur la planète Xanax
le Président de la République
a souhaité
un ciel étoilé
en s'envolant dans le vent
parce que c'était le rush

Atelier d’écriture, MJC de Portes les Valence, Lundi 1er décembre 2014
où Jocelyne, Marie-Thérèse, Geneviève, Fabienne et Laurent ont produit ces étonnants "cadavre exquis" ! De là à y voir un regard désabusé sur l'actualité politique...
Un petit dernier pour la route ?

Il y a deux millions d'années
dans le clocher de l'église au clair de lune
la petite libellule
convoitait
un vélo
en hurlant
parce que le facteur avait disparu

mardi 18 novembre 2014

C'est bien...

C'est bien quand la sonnerie retentit, on a les converses qui frétillent et l'anorak qui quitte le dossier de la chaise pour se jeter sur les épaules. On bouscule à grands coups de cartables ceux qui bouchent la sortie, on dit à peine "à d'main" et on part, libre, sifflotant "les mystères de l'ouest" avec son meilleur copain. On est bête et on s'en fiche. Tout ce qui compte c'est qu'on a douze ans et que la vie ne sera jamais mieux que maintenant. On se raconte les potains de la journée : "T'as vu l'autre, là, elle se prend pour un shérif ou quoi ?", "Et lui, on dirait un croque-mort" ! Et on se marre en se claquant les côtes sans se soucier d'être sérieux ou tolérant.
C'est bien quand on arrive à la maison parce qu'on sait qu'on va pouvoir jeter le cartable, avaler une grosse tartine en inventant de nouveaux verbes irréguliers. Et quand la trigo est terminée, on enfouit les cahiers au fond du sac en espérant qu'aucun prospecteur ne viendra les dénicher et on enfourche les vélos, visages fendant un vent de liberté. Et on parcourt les grandes plaines au galop, grisé par ces étendues farouches, aspiré par l'horizon, lointain, là où le soleil se couche.

Texte produit lors d'un atelier d'écriture animé par Monique Domergue à la Médiathèque de Bourg les Valence, inspiré par "C'est bien" de Philippe Delerme.

dimanche 16 novembre 2014

Sans papiers


Cent pas

Cent pas

Cent pas

T’entend papa   
Cent pas
T’entend papy
Cent cris
Toutes ces vies
Sans papiers
Milles vies
Sans voix
Sans issue

Papa
Tu sens ce sang   
Sous mes pas
Papy
Tu sens tout ce sang
Sous mes pieds
Ils sont cent
Sous les eaux
Nous sommes mille
Engloutis
Sans papiers je me noie
Sans papiers j’ai peur
Sans papiers je ne vivrai pas vieux
Je pourrai voyager sur un essieu
Partager des miettes de dignité dans une cage
Crever sur un train d’atterrissage

Rassure-toi papa
Je est un autre
Je suis blanc
Rassure-toi papy
Je ne finirai pas dans un hôtel calciné
Je ne finirai pas dans la rue prostitué

T’en fais pas papa
Je sors rarement sans papiers
Je suis français
Je jouis d’une devise en trois mots
Le premier liberté m’ouvre les portes du monde
T’en fais pas papy
Je jouis d’une autre devise plus forte encore
L’euro mon véritable passeport

Mes pas et mes pieds me portent dans le monde entier
Mais chaque fois l’inégalité me crache à la gueule
Alors la fraternité m’offre son réconfort

Bien sûr papa
Tous les sans papiers ne souffrent pas du même sort
Bien sûr papy
Certains vivent heureux bien heureux encore
Mais tant qu’il y aura des frontières
Tant que l’argent vaudra plus que la vie
D’autres que moi n’auront pas la chance qui me sourit
Et moi moi moi je finirai peut-être poète
Une plume en guise de fusil
Mais à quoi bon si ma colère reste muette
Je me demanderai toujours à quoi riment tous ces crimes
Et la honte continuera de consumer mes racines

Conclusion papa
Ne coupons plus les arbres
Conclusion papy
Ne fabriquons plus de papier
Finis les contrats juteux
Libérons nos pas
Libérons nos pieds
Déchirons nos papiers
En avant marche mais plus au pas
Ne jouons plus de rôle
Libérons notre parole
Accueillons le mot à la bouche
Offrons-le de bouches à oreilles
De bouches à bouches
Embrassons-nous
Étreignons-nous
Embrassez-vous
Étreignez-vous
Embrassons-nous
Étreignons-nous
Embrassons-nous
Étreignons-nous


Texte produit pour la soirée Slam du 15 novembre 2014
au resto « le mot à la bouche » de Valence, thème proposé : « les sans papiers »
J'ai eu la chance de préparer la présentation de ce texte avec mon ami Olivier Hummel,

grâce à qui j'ai trouvé le ton juste pour le délcamer. Merci !


mardi 11 novembre 2014

Lettre à la femme d’à côté

Extérieur nuit
Fenêtre entrebâillée
Voilages gonflés d’une brise légère
Je vous devine
Chaque soir
Je passe
Je repasse
Hypnotisé par votre silhouette féline
Attisé par le parfum de nos souvenirs à venir

Vous lisez ce soir
Lovée dans le moelleux de votre fauteuil
Près de vous sous la lampe la fumée d’une tasse
Caresse délicatement vos cheveux
Vous ne me voyez pas
Non
Vous ne m’avez jamais remarqué sans doute
Pas même lorsque je vous croise le jour
Le soir l’ombre du marronnier m’offre le camouflage idéal
Mes yeux pourraient-ils supporter image plus fascinante

Je me noie dans votre contemplation
Comment me lasser de vos longues poses
Accoudée au canapé
Fines jambes savamment repliées
Crinière en arrière dégageant votre oreille pour mieux poser le combiné
Si c’était moi au bout du fil
Je vous dirais combien vous me plaisez
M’écouteriez-vous seulement
Qui est-ce d’ailleurs
Votre amant
Votre mari
Oui je suis jaloux
Vous me délaissez
Et pourtant

Personne ne compte autant pour moi
Oserais-je un jour

Si vous lisiez cette lettre
Mais vous ne la lirez pas
Je ne l’écrirai pas
Je ne vous l’adresserai pas
Je garderai tout pour moi
Je vous garderai pour moi
Rien ne nous séparera

Par la fenêtre
Votre regard se pose sur moi
Pour la première fois vous me voyez
Intriguée
Me reconnaissez-vous
Je suis pétrifié

Vous m’interrogez
Je bafouille
Je vous aime
Vous riez
Nous rions
Vous fermez les volets

Extérieur jour
Goudron fumant
Vous êtes une lionne
Je suis un zèbre
Vous m’avez reconnu
Je m’apprête à fuir
Le rythme de vos talons me poursuit
Un éclair fouette l’air
Le tonnerre rugit
Vous me rattrapez
Dans la pénombre d’une ruelle nous nous étreignons

Tes doigts fins glissent sous ma chemise
Je frissonne
Tu m’embrasses
Tes lèvres chuchotent dans mon cou
Tu es beau de près
Nous nous aimons sous la pluie
Pavé mouillé
Si on rentrait
Nous courons sous ma veste
Ton sourire m’éblouit

Intérieur jour
Lumière pluvieuse
Thé ou café
Nous nous aimons encore

Intérieur nuit
Allongés sous la lune
Ta jambe pliée sur ma cuisse
Tu signes nonchalamment mon torse du bout de l’ongle
Tu es la femme de ma vie
Tu es mon amant pour toujours
Je te garderai pour moi
Rien ne nous séparera
Mon amour

Nos deux corps gisent
Oreillers écarlates
Draps de soie claire
Deux roses passionnées
Sur un écrin de vair



Texte proposé au concours « Lettre à la Femme d’à côté »
organisé par la Cinémathèque française en partenariat avec Télérama

dans le cadre de la rétrospective François Truffaut. Bravo aux lauréats !

mercredi 22 octobre 2014

Prenez un hasard

Prenez un hasard pas trop tard le soir
Placez tout à côté une bougie, timide mais pas trop
Mettez au dessus d'eux un silence teinté de jazz
Laissez-les faire
Regardez-les

Texte produit lors d'un atelier d'écriture animé par Monique Domergue à la Médiathèque de Bourg les Valence, inspiré du poème de Guillevic.

Heureux sans savoir pourquoi

Heureux sans savoir pourquoi
mon cœur s'arrête
à la rencontre d'un ciel sans nuage
au contact de mes amours
ébloui de sourire
réchauffé de tendresse
mon âme suspendue à cette parenthèse du temps
mon pas s'allonge impatient
de déguster cet instant

Heureux sans savoir pourquoi
je flotte dans cette bulle
sans contours ni tourments
et à l'instant où je me retourne
pour partager avec toi ce moment délicat
déjà il n'est plus là
alors j'en goûte encore quelques miettes
oubliées sur mes papilles

Heureux sans savoir pourquoi
je me remets en route
à l'affut
et là encore
une note me transperce
un regard me touche
une caresse m'emporte
et je flotte
parfum léger
semant ça et là
ce bonheur sans raison
à tous ceux qui n'attendent que cela
être heureux sans savoir pourquoi

Texte produit lors d'un atelier d'écriture animé par Monique Domergue à la Médiathèque de Bourg les Valence, inspiré du poème de Mahmoud Darwich.

J'ai roulé tellement

J'ai roulé tellement
J'ai tellement roulé
des mécaniques
tellement bombé de la calandre
tellement rutilé de tous mes chromes
que je ne sors plus du musée.

Il me reste le souvenir des gants sur mon volant, des soies et des tweeds sur mes molesquines, le parfum de la gomme exhalé sur les corniches bordées de pins.
Mes phares s'embuent à ces pensées et je rouille un peu de ne pas pouvoir raconter mes lointaines escapades à ceux qui viennent m'admirer.

Texte produit lors d'un atelier d'écriture animé par Monique Domergue à la Médiathèque de Bourg les Valence, inspiré par Robert Desnos.

mercredi 8 octobre 2014

Images

Il est des lieux qui invitent à la rencontre avec soi
Des lieux dont l'immensité est telle qu'elle laisse sans voix
De ces espaces où la fraîcheur est vivifiante le matin
Où la chaleur a tantôt l’indolence d'une sieste
Tantôt la violence d'un coup de poing
Des lieux orange comme un soleil couchant
Gris comme une fourrure sauvage
D'un jaune plus lumineux que l'or de tous les palais
Des lieux taquins où le sable crisse sous la dent
En grains chatouilleurs et bienveillants
Le désert est de ces lieux d'où l'on revient
Après une nuit ou deux
Des étoiles plein les yeux

Atelier d’écriture, MJC de Portes les Valence, Lundi 6 octobre 2014
où j'avais proposé la consigne suivante : choisir un lieu que l'on aime et, à la manière de Baudelaire dans « Correspondances », rédiger un portrait de ce lieu, jouant sur les images, les comparaisons, les métaphores.

samedi 27 septembre 2014

Journal de rêve / en chantier... extrait #4

Samedi 27 septembre

Mon fils donnait à l’équipage les instructions nécessaires à la navigation de notre sous-marin tout en scrutant dans le périscope, l’air concentré. J’avais été invité pour cette plongée lors de laquelle nous devions rendre visite à sa mère et à son frère. Nous allions les rejoindre dans
leur laboratoire itinérant adapté à l’étude de cet environnement, occupés à mener leurs recherches sur le milieu dans lequel nous évoluions. Notre vaisseau se déplaçait juste sous la surface et, mon fils m’invitant à observer par le périscope, j’eus tout le loisir de découvrir la beauté de cette région inexplorée. L’image était parfois submergée mais la plupart du temps je pouvais contempler le monde du dessus. Un océan de verdure sous un ciel d’un bleu immense et sans nuages. Ça et là des taches de couleurs formées par des bouquets de fleurs me donnaient l’impression de survoler un patchwork bigarré. De temps à autre une forme se détachait au loin pour planer quelques instants au dessus de ce puzzle coloré avant de plonger dans la canopée. Soudain mon fils ordonna la descente. Je pris alors pleinement conscience que nous ne naviguions pas dans un milieu liquide mais entre les houppiers de grands arbres peuplés d’une faune nombreuse qui ne semblait pas effrayée par la présence de notre véhicule. La machine avançait lentement, prenant soin de se frayer un chemin à la limite entre chaque arbre. Mon fils me précisa que les moteurs avaient été conçus pour émettre le moins de bruit possible. La coque était doublée d’une enveloppe molle et n’offrait aucune aspérité ni excroissances auxquelles pourraient s’accrocher les lianes. Ainsi le vaisseau, telle une bulle légère, circulait sans que la moindre feuille ne tombe sur son passage. Sa couleur variait en outre et imitait tantôt les rayons du soleil filtrant à travers les hautes branches, tantôt la pénombre des profondeurs lorsque le sous-marin s’enfonçait dans les abysses de la forêt. Camouflage idéal.

Je n’en croyais pas mes yeux. Mon fils ajouta que cette machine avait été conçue grâce aux plans dessinés par sa mère et son frère. Tous deux étaient habitués à cette nature sauvage mais il leur manquait un appareil pour prélever facilement les échantillons les moins accessibles, les observer et les analyser sous toutes leurs coutures. Ma femme et le jumeau de mon fils étaient en effet d’inlassables chercheurs au service de la connaissance et leurs travaux étaient plébiscités par toute la communauté scientifique.  Au-delà de leurs travaux de recherche fondamentale, certaines applications avaient pu être découvertes dans le domaine de la pharmacie notamment et avaient permis de soulager des malades pour qui la science n’avait pas encore trouvé de remède. Mon fils s’apprêtait à m’expliquer comment ils avaient trouvé par exemple un remède définitif à toutes les formes de dysfonctionnement neurologique lorsqu’il fut interrompu par un appel du chef de pont : « Capitaine, nos radars indiquent une présence inhabituelle au labo ! ».

Les écrans affichèrent les images observées à distance par les appareils équipés de capteurs à infrarouges et à rayons X. Mon fils confirma la présence de deux silhouettes imprévues à l’extérieur et une à l’intérieur du laboratoire. Il fit aussitôt stopper les machines et zooma au maximum avec le périscope. Malgré la distance on distinguait clairement deux types armés positionnés de chaque côté de la porte. L’image agrandie des radars permit en outre de constater que ma femme et mon fils étaient assis au milieu de la pièce et qu’une personne se tenait debout près d’eux. Le technicien de bord parvint à obtenir l’image de la caméra intérieure et nous pûmes observer la scène depuis un coin en hauteur. Ma femme et mon fils, ligotés sur leurs chaises et bâillonnés, semblaient abattus mais en bonne santé. Ils n’avaient sans doute pas opposé de résistance à leurs agresseurs, ou pas eu le choix. Face à eux, dos à la caméra, une silhouette féminine athlétique était vêtue comme pour une intervention d’un groupe d’élite et déambulait sans que l’on voie son visage. Sa chevelure brune et bouclée frôlait ses épaules et dissimulait même son profil. Mon fils bouillait mais gardait son calme. Il lui semblait connaitre cette femme mais il ne parvenait pas à se souvenir de qui il s’agissait.

Le sonar nous offrit enfin la possibilité d’écouter la conversation :
« - Je vous laisse encore deux heures pour bien réfléchir chers professeurs. A l’issue de ce délai, si vous ne me révélez pas le secret de votre dernière découverte, j’aurai le plaisir de mettre fin à votre carrière en vous offrant une petite poêlée de ce fameux champignon que vous avez débusqué l’année dernière dans les profondeurs extrêmes de la forêt ! » Puis elle lâcha un rire cruel et sortit sur la terrasse.
« - Ce rire et cette voix… je les connais », chuchota mon fils.
Il resta un moment plongé dans ses pensées puis la mémoire lui revint tout à fait. Cette folle était une ancienne collègue de ma femme qui avait toujours été jalouse de son succès d’après mon fils. Je lui demandais de quel champignon elle parlait.
« - Il s’agit d’une espèce que nous avons découverte lors d’une de nos plongées dans les grandes profondeurs l’année dernière. Ce champignon sécrète l’un des poisons les plus violents que nous connaissons. Sa consommation, même en quantité infime, entraine une mort lente, douloureuse et nous ne disposons d’aucun antidote. », acheva-t-il sans plus de commentaire.

J’aurais aimé dire quelque chose mais je restais sans voix, dépassé par la situation. Comment allions nous sortir de l’impasse ? Mon fils m’affirma avec sang froid que le temps était avec nous. Dans deux heures la nuit tomberait bientôt et le bulletin météo annonçait un orage qui allait renforcer la pénombre. Nous pourrions agir à la faveur de la nuit et maitriser la situation. L’équipage se prépara et le sous-marin descendit suffisamment pour ne pas être repéré puis se posta à bonne distance, sous le laboratoire. Trois ombres furtives s’échappèrent de l’appareil pour s’évanouir dans la nuit. Les caméras infrarouges fixées à leur équipement nous permirent d’assister à l’opération, aux premières loges. Les écrans diffusaient des bribes de forêt sombre. Soudain la face d’une bête réveillée trop brusquement jaillit à nos yeux. Je craignais le pire. Pourvu que les malfrats ne repèrent pas nos sauveteurs ! Ces derniers étaient encore suffisamment loin sous la terrasse du labo et je me rassurais en espérant que les gardes ne soupçonneraient rien d’inhabituel et ne relèveraient pas le mouvement d’un animal qu’ils imagineraient peinant à s’endormir. L’ascension me parut interminable. Les hommes progressaient lentement, prudemment pour être le plus discrets possibles. Les images défilaient sur les écrans. J’étais subjugué par la délicatesse avec laquelle ils posaient leurs mains sur les branches et la souplesse et la fluidité avec lesquelles ils grimpaient le long du tronc. Mon fils se rongeait les ongles. Je l’entendis murmurer « Courage les gars, vous y êtes presque ».

Enfin la terrasse apparut au dessus de nous et par l’entrelacs de son grillage nous distinguions les larges semelles des deux gardes et celles plus fines de leur chef. Les micros embarqués des gars nous permirent d’écouter les propos de la chef des ravisseurs :
- « … source fiable m’a confirmé que leurs travaux portent sur un médicament permettant aux membres d’être facilement ressoudés si ils ont été tranché net ! C’est prodigieux, ils ont observé cette faculté chez certaines grenouilles qu’ils ont trouvées dans les flaques qui se forment aux creux des plus hautes branches. Nous allons faire fortune en développant ce produit miraculeux », conclut-elle en émettant de nouveau son rire affreux, accompagnée par les gloussements niais des deux autres.
J’étais atterré. Si cette infâme escroqueuse et ses sbires parvenaient à vendre cette horreur aux armées du monde entier, la paix sur Terre ne serait plus qu’un lointain souvenir…

Enfin, mon fils donna l’ordre d’intervenir. Les hommes prirent position, leurs caméras nous renvoyant chacune l’image d’un des membres du trio infernal. Habitués à manipuler des sarbacanes dans une végétation dense pour projeter des seringues hypodermiques lorsqu’ils prélevaient des espèces animales pour leurs observations, les biologistes n’eurent aucun mal à anéantir les truands. Rapidement ils se hissèrent sur la plateforme, ligotèrent les ravisseurs et pénétrèrent dans le labo pour rassurer et libérer les otages. Pendant ce temps le sous-marin reprenait de l’altitude et vint se positionner à hauteur du laboratoire. Les corps endormis des trois malfaiteurs furent fermement sanglés et enfermés séparément dans des cellules à fond de cale. Nous rejoignîmes bientôt ma femme et mon fils qui reprenaient leurs esprits sur la terrasse du labo et nous nous embrassâmes longuement. Ma femme m’avoua qu’elle était soulagée que cette aventure se termine si bien. De toute façon cette arnaque n’aurait certainement pas abouti d’après elle puisque leurs recherches démontraient que cette faculté ne serait jamais transférable à l’homme. Je n’arrivais pas à me réjouir de ce qui semblait être pour elle une bonne nouvelle. J’aurais aimé que cette découverte puisse être utilisée pour toutes les victimes d’amputations, quelles qu’elles soient.
 

Extrait de mon "Carnet de voyage au pays des rêves", projet en cours, inspiré par un cauchemar de mon fils, de mes propres rêves et de ceux de mon entourage, prétexte à faire évoluer un personnage comme bon me semble entre rêve, fiction et réalité.

vendredi 26 septembre 2014

Où vont nos rêves

Vite une trêve
Ouvrons nos rêves
Les yeux grands ouverts
Observons
Vers où vont nos rêves
Naitre le désir
Lisser ses plumes
Déployer ses ailes
Porté par un élan d’aventure
Hypnotisé par le chant des signes
Va vers le monde
Plane d’îles en sommets
Plonge dans les nuages
Traverse des écrans de fumée
Explore le mort et le vivant
Entre deux vies
Dans un sommeil
Un repos        de l’âme
Qui s’éveille
Sort du vide
Pousse son premier cri
Et tel le lotus        s’épanouit
Puis se ferme
Hésite

S’ouvre à nouveau
Danse et tourne à s’enivrer
Chevauche des montures de plaisir
Trébuche
Rampe dans des tunnels de frayeur
Reprend pied
Décide que tout est possible
Que s’il le faut mille vies seront consumées
Pour atteindre la cible
Exploser la vérité
Tapie dans l’ombre
Diffuser l’amour là où il n’est plus
Abandonner tout lieu
Briser l’horloge
Etre là où la réalité n’existe pas

Faire semblant
Y croire
En douter
Oublier notre soif d’avoir
Retrouver notre plaisir à être
Combattre les injustices
Plutôt que se nourrir d’artifices
Nos rêves nous font souvent décoller
Nos corps nous font malheureusement atterrir
Enfant nos rêves nous invitent à sauver le monde
Sont-ils assez nombreux ceux qui adulte à cet appel répondent


        vont
                   nos
                            rêves

Nos rêves vont partout
Nos rêves sont ici

                                             Au dessus

                    Dehors               Dedans           Avant            Après

                                            En dessous

Nous les suivons
Nous les précédons
Ils nous devancent
Nous les espérons
À en crever

Couverts de sang par d’avides oppresseurs
Enfermés dans leur soif de pouvoir
Les rêves cauchemardent au Rwanda, à Gaza et ailleurs
Où souffrent et meurent d’innocents rêveurs
DE DESTRUCTIONS MASSIVES
EN RECONSTRUCTIONS LUCRATIVES
L’INDECENCE EST REINE
HATISE LES EXPLOITEURS DE TERREUR
CULTIVANT DESESPOIR HAINE
ADDICTIONS COMME UNIQUES VALEURS

Mais
Les rêves se nourrissent d’espoir
A moins que ce ne soit l’inverse
Et malgré la torture illuminent les heures les plus noires
Réapparaissent
S’accrochent
Résistent
Au large de Cape Town ou à Rangoon
Aucune cage ne peut enfermer un rêve
Les rêves ne connaissent pas de frontière
Les rêves voyagent librement des abysses au firmament
Parmi les étoiles ou dans des esprits fumants
Les rêves ne peuvent être captifs
Qu’un instant dans les lampes de bons génies créatifs
Qui pour une caresse
Illuminent de couleurs nos vies et nos cœurs
Pour que nos rêves jamais ne meurent


Texte proposé au concours d’écriture « Où vont nos rêves ? »
Festival du livre de Mouans-Sartoux / Télérama. Bravo aux lauréats !

mardi 16 septembre 2014

Portrait pas si commun...

On remarquait d'abord sa silhouette de livre. Sur sa peau de papier était tatouée une carte bien utile pour voyager dans des mondes imaginaires.
On voyait ensuite son regard de mer, liquide, immense, peuplé d'êtres fragiles et illuminé d'un éclat vital.
Puis il souriait comme une mouette, piaillant sans gêne mais élégant (en vol !).
Il savait qu'on le prenait pour un voilier, véhicule de rêve invitant à la rencontre, la découverte et l'exploration.
Mais en secret il était une mangue, sucré, doux, vert, orange, dur et mou et parfois il laissait un fil coincé entre les dents.

Texte produit lors d'un atelier d'écriture animé par Monique Domergue à la Médiathèque de Bourg les Valence.

vendredi 5 septembre 2014

Journal de rêve / en chantier... extrait #3

Vendredi 5 septembre
« -Y’en a un peu plus ! J’vous l’mets quand même ? »
Personnellement, je ne refuse jamais. Vous si ? Celle que je préfère c’est ma bibliothécaire, qui me glisse toujours un petit bouquin en plus dans le sac avant de quitter la médiathèque. « Ça, ça devrait vous plaire ! » Pas toujours… mais qu’importe ? Après tout c’est cette bonne intention de nos commerçants préférés qui fait que nous avons plaisir à retourner chez eux, non ? D’ailleurs, je me suis toujours demandé si les bouchers devaient suivre pendant leur formation initiale un module spécial pour apprendre quelques phrases magiques comme « Le temps est reparti au beau, hein ? » ou « Et il est parti en vacances ? » ou encore, s’adressant aux enfants « C’est pour qui le morceau de saucisse ? » ! J’étais justement en train d’entamer une liste de ces belles banalités dans ma tête en achetant une baguette quand un type menaçant entra dans la boulangerie. Il s’approcha de moi et je sentis qu’il pointait une arme sur moi à travers la poche de son imperméable. Je souris à la boulangère en lui tendant sa monnaie. Elle eut l’air surpris en voyant le monsieur me suivre de prêt et me raccompagner dehors sans rien acheter, mais elle ne dit rien, même pas « Bonne journée » !

Une voiture nous attendait dehors. Le type ouvrit la portière de derrière et me fit signe de monter sans un mot. Je n’avais pas d’autre choix que d’obtempérer. Il posa délicatement son chapeau sur la banquette entre nous deux pendant que la voiture démarrait. Je croisais le regard du chauffeur dans le rétroviseur. Pas l’air commode non plus. L’homme au chapeau me tendit un téléphone qui sonna et je décrochais. Une voix ferme m’informa que le transfert était en cours et que je n’aurais qu’à suivre gentiment les instructions et tout se passerait bien. Je me permis de demander de quel transfert il s’agissait. « De votre fils voyons ! Vous savez très bien qu’il doit être remplacé ! Ne faites pas l’idiot et tout se passera bien ». Puis il raccrocha. Mon voisin de banquette me tendit alors une pochette dans laquelle je découvris quelques documents. Une photocopie couleur de deux portraits identiques de mon fils. Sous chaque photo était inscrite une légende. « Avant » sous celle de gauche, « Après » sous celle de droite. Le deuxième document était une liste d’instructions à suivre pendant le transfert. Les autres feuilles étaient agrafées et un post-it était collé sur la première page « Pour la bonne marche des opérations, veuillez signer ce contrat et parapher chaque page ». Ce que je fis après avoir lu le document. Rien de particulier si ce n’est le paragraphe mentionnant que je ne chercherais jamais à faire obstacle ni à revenir sur cette démarche administrative imposée par la loi en vigueur qui consistait à remplacer un enfant sur deux cent cinquante mille après son troisième anniversaire. La liste d’instruction décrivait le transfert comme une simple formalité à laquelle l’un des parents devait assister pour accompagner son enfant et récupérer son remplaçant.

Je n’avais aucune intention de laisser faire cette bande d’olibrius mais je fis mine de coopérer. Notre voiture prit de la vitesse en montant sur l’autoroute et nous suivîmes bientôt un cortège de six gros véhicules tout-terrain noirs. Mon voisin utilisa son téléphone pour informer ses collègues que nous étions en place. J’entendis son interlocuteur répondre : « Parfait. Le colis est en deuxième position. Rendez-vous au chalet. » Un premier 4x4 emprunta la sortie suivante. Puis deux autres aux sorties prochaines. Nous n’étions plus que quatre véhicules lorsque nous quittâmes l’autoroute à notre tour pour emprunter une départementale sinueuse dans un environnement rural et vallonné. Je ne parvenais pas à quitter des yeux le deuxième véhicule. Je me demandais comment sortir mon fils de là lorsqu’à un carrefour deux camions s’intercalèrent judicieusement entre les trois véhicules de tête, dissimulant celui où devait être installé mon fils. Notre voiture pila et je n’eus pas le temps de réfléchir plus avant. Un autre camion barrait notre retraite et déjà des hommes cagoulés et armés entouraient les véhicules et intimaient l’ordre à leurs occupants de sortir. Mon chauffeur lâcha un juron dont le sens m’échappa : « Saloperie de Morcre ! ». Une fois dehors j’aperçu mon fils monter dans le premier camion. Les occupants des quatre véhicules furent immédiatement abattus !

J’étais encore sous le choc de cette exécution sommaire collective lorsqu’on me poussa fermement vers le camion où j’avais vu monter mon fils. Il se jeta dans mes bras et le camion démarra en trombe. Après avoir échangé une longue étreinte entrecoupée de rires et de larmes, l’un des hommes de la bande qui venait de nous libérer, ou de nous kidnapper, je ne savais plus trop où nous en étions, m’adressa la parole avec douceur : « Monsieur, j’ai le plaisir de vous annoncer que nous venons de mettre fin au remplacement de votre enfant. Je suppose que vous n’avez jamais entendu parler du MORCRE, le Mouvement de Résistance Contre le Remplacement des Enfants. Il s’agit d’un groupe qui lutte depuis quelques mois contre cette loi injuste qui a fait trop de malheureux depuis dix ans et vous êtes notre deuxième client. Nous allons vous emmener en lieu sur et vous allez pouvoir reprendre une vie normale.

Je n’en croyais pas mes oreilles ! Je venais peut-être à la fois de retrouver la mémoire et mon fils… ou pas ?!

Extrait de mon "Carnet de voyage au pays des rêves", projet en cours, inspiré par un cauchemar de mon fils, de mes propres rêves et de ceux de mon entourage, prétexte à faire évoluer un personnage comme bon me semble entre rêve, fiction et réalité.

vendredi 22 août 2014

Journal de rêve / en chantier... extrait #2


Vendredi 22 août
Pour commencer la journée, je plongeais un instant dans l’œuvre gigantesque du magnifique écrivain voyageur Nicolas Bouvier.

Le point de non retour

C’était hier
plage noire de la Caspienne
sur des racines blanchies rejetées par la mer
sur de menus éclats de bambous
nous faisions cuire un tout petit poisson
sa chair rose
prenait une couleur de fumée

Douce pluie d’automne
cœur au chaud sous la laine
au Nord
un fabuleux champignon d’orage
montait sur la Crimée
et s’étendait jusqu’à la Chine
Ce midi-là
la vie était si égarante et bonne
que tu lui as dit ou plutôt murmuré
« va-t’en me perdre où tu voudras »
Les vagues ont répondu « tu n’en reviendras pas »

Trébizonde, 1953

Nicolas Bouvier, Le dehors, Chansons d’un compagnon voyageur,
« Œuvres » / Quarto Gallimard (p. 827)


Je restais un moment étonné par l'écho de ce poème avec mon propre voyage. Une fugitive seconde j’eus l’impression de partager cette pêche avec mon compagnon voyageur. Comment ne s’était-il pas perdu en effet dans ses nombreuses aventures ? Peut-être un jour le rencontrerais-je et répondrait-il à ma question ? En attendant, je devais me remettre en route pour retrouver mes souvenirs et mon fiston.

En guise de souvenirs, me revenait en mémoire une réflexion que j’avais eue quelques temps auparavant.

La couleur de l’impatience

Elle est noire l’impatience
Elle bouche tout
Retarde tout
Freine des quatre fers
En l’air
Nous le pompe
L’air
Peint tout en gris
Dégoute de tout
Des gouttes de pluie
Oubliée la paix d’un rayon de soleil sur les blés
Attente frustrée d’une caresse le long de l’été
Qu’elle crève l’impatience
La gueule ouverte
Gorge sèche
Pleine de chiendent
Et que revienne le goût du temps
Cette saveur sucrée de fruits cuisant dans de grosses marmites
Le bleu des jours heureux partagés
Le scintillement des flots dans tes yeux
Les flonflons les paillettes
Le souffle chantant des bambous les soirs de printemps
Qu’elle revienne l’impatience
On l’attend
Prêts à en découdre
Des flèches de figues lancées à ses trousses
Des paquets de mer salés à souhait
Des brassées d’embrassades prêtes à la maîtriser
A terre l’impatience
Ficelée de faisceaux de présent sans lendemain



L’impatience est une larme qui se dépêche de couler
de peur de sécher avant de tomber
sur la fleur qu’elle rêve d’arroser.



Extrait de mon "Carnet de voyage au pays des rêves", projet en cours, inspiré par un cauchemar de mon fils, de mes propres rêves et de ceux de mon entourage, prétexte à faire évoluer un personnage comme bon me semble entre rêve, fiction et réalité.

mardi 12 août 2014

Journal de rêve / en chantier... extrait #1

Mardi 12 août

Cette nuit, mon fils m’a réveillé :
« - Papa, m’a-t-il chuchoté dans un sanglot, j’ai fait un cauchemar !
- N’aies pas peur mon chéri, nous sommes là, tu n’as rien à craindre sous la tente, ais-je marmonné dans un état second. Puis j’ai ajouté : racontes moi ce qui s’est passé. »
Nous étions dans un avion. Un long courrier survolant l’Europe, peu de temps après le décollage de Genève, en direction de Delhi. Mon fils coloriait sagement un dragon crachant de longues flammes sur un chevalier en armure en équilibre instable sur une monture qui n’en menait pas large. Ma femme somnolait devant une de ces comédies américaines qui ont le mérite de l’endormir au bout d’une heure de vol. Quant à moi, je buvais un café en laissant vagabonder mon regard sur les reliefs que nous survolions. Etait-ce les Carpates ou déjà le Caucase ? Un jour j’irais là-bas ! Je me voyais déjà parcourant ces terres de légende quand soudain le hublot s’ouvrit ! Je m’envolais alors en laissant s’éloigner l’appareil. Il me fallut un moment avant de trouver comment me diriger dans cet élément que je ne connaissais pas. J’étais ballotté en tous sens et je me sentais chuter à une vitesse vertigineuse. D’abord ramassé en boule et orphelin de tous repères, je me raidis et me mis à descendre comme une flèche, tête en avant, pieds en l’air, bras le long du corps, bien décidé à ne pas trop trainer dans ces altitudes bien trop froides à mon goût. Parvenu à distance raisonnable des sommets j’ouvris les bras et me mis à décrire des cercles de plus en plus amples pour profiter du paysage. Comme je m’approchais de ma destination, je m’offrais encore le plaisir de longer de belles crêtes puis je planais un moment au dessus d’une vallée dont je suivais la rivière, longée par une petite route qui traversait un village. Je me posais alors à un kilomètre environ du bourg au milieu de cette route pour finir le chemin à pied quand soudain une voiture me renversa !
Et mon fils se rendormit.

Extrait de mon "Carnet de voyage au pays des rêves", projet en cours, inspiré par un cauchemar de mon fils, de mes propres rêves et de ceux de mon entourage, prétexte à faire évoluer un personnage comme bon me semble entre rêve, fiction et réalité.

mercredi 30 juillet 2014

Ami t’y es

Elle m’a dit c’est quoi le rêve de ta vie
J’lui ai dit si c’était une histoire
Et j’ai écrit

Elle m’a dit mon âme et mon corps se retrouvent
J’lui ai dit wouaouh
Elle m’a dit la nature et moi ne faisons qu’un
J’lui ai dit j’y crois pas

Il m’a dit t’es qu’une merde
J’lui ai dit même pas vrai
Il m’a dit si la preuve
J’lui ai dit n’importe quoi
Il m’a dit si t’es qu’une merde t’es qu’une merde t’es qu’une merde
J’lui ai dit puisque c’est comme ça j’me casse
Il m’a dit c’est dommage que tu prennes toujours tout mal
Et j’me suis cassé
En milles morceaux

Et j’suis revenu
Ma confiance était un peu revenue
J’avais recollé les morceaux
Et j’ai écrit encore

Elle m’a dit tu devrais lire ça
J’lui ai dit tu crois
Elle m’a dit tu vas voir c’est bien
J’lui ai dit ha bon
Elle m’a dit la vie c’est mieux quand on ne prend pas tout pour soi
Elle m’a dit la vie c’est mieux quand on tourne sept fois sa langue dans sa bouche
Elle m’a dit la vie c’est mieux quand on n’interprète pas à tout va
Elle m’a dit la vie c’est mieux quand on fait de son mieux
J’lui ai dit t’as raison

Ils m’ont dis ne pars pas
J’leur ai dit mais non
Ils m’ont dit ne nous abandonne pas
Et j’suis parti
Et j’suis revenu

Ils m’ont dit c’est pas ta faute
J’leur ai dit je t’aime
Ils m’ont dit nous aussi

Il m’a dit j’suis malade
Il m’a dit j’suis guéri
Il m’a dit tu pleures
Je lui ai souris

Elle m’a dit fais confiance à ton intuition
J’lui ai dit comment
Elle m’a dit retrouve ton enfant intérieur
J’lui ai dit où ça
Elle m’a dit tu vas y arriver
J’lui ai dit ha bon

Elle m’a dit c’est quoi le souci
J’lui ai dit j’ai pas le temps
Elle m’a dit tu devrais essayer le pouvoir du moment présent
J’lui ai dit ha bon
Elle m’a dit la vie c’est mieux quand on vit ici et maintenant
J’lui ai dit t’as raison
Et j’ai écrit encore

Elle m’a dit et ta mère et ton père et ta femme
J’lui ai dit et ta sœur
Elle m’a dit vient là que je t’embrasse
J’lui ai dit c’est bon
Elle m’a dit tout s’arrange avec ton amour
   
Et je l’ai retrouvé
L’enfant était là
Il m’a sourit
On a bien rit
On a même dansé

Elle m’a dit retrouve ton plaisir
J’lui ai dit c’est possible
Elle m’a dit sors de tes vieilles habitudes
J’lui ai dit c’est pas facile
Elle m’a dit sois fier d’être heureux et beau
J’lui ai dit c’est chouette
Et j’ai écrit encore
Je me suis laissé porter par l’énergie de la plume

Et j’ai revue ma douleur
Une partie de moi lui a pardonné
Alors j’ai souris

Et ma confiance est revenue
Et ma force est revenue
Et mon courage est là
Et j’apprécie d’être moi

Alors j’y suis
Elle m’a dit si tu penses que le chemin est long encore tu n’es pas arrivé
J’lui ai dit je pense que je suis arrivé
Elle m’a dit ami t’y es


; en réponse à une amie qui me demandait...


lundi 28 juillet 2014

L’art rime à l’âme

Boulanger, nourris nos corps
Professeur, nourris nos esprits
Artiste, nourris nos âmes

Artiste, professeur, boulanger
Pétris tes œuvres à la folie
Offre le meilleur de ton art

Homme, femme, enfant
Savoure la générosité du pain qu’on te tend
Apprécie la justesse d’une information en partage
Déguste l’audace de ceux dont l’art te comble à tout âge

Homme, femme, enfant
Fais toi-même ton pain dès maintenant
Apprend par toi-même chaque fois que l’occasion se présente
Exprime ta créativité sans attente

La nourriture du corps, de l’esprit et de l’âme sont choses trop sérieuses
Pour les laisser à de mauvais commerçants, de vils manipulateurs, de piètres amuseuses

Homme, femme, enfant
Cultive ton esprit critique
Aies sans cesse en tête comme un tique
Qu’il y a toujours quelque part
Quelqu’un qui a faim
Quelqu’une qui ne sait rien
Et combien d’autres encore
Qui ne connaitront jamais le bonheur d’être transporté sur les ailes de l’art

Homme
Si le rat te semble heureux dans sa cage
N’oublie pas que sa nourriture est comptée
Que son éducation reste brève
Et que contrairement à l’oiseau il ne connaitra jamais le rêve

Le rat s’arrime et rame
Ton âme s’envole et plane

Homme
Ronge tes barreaux
Libère ta passion
Décolle avec ton inspiration
Sors de ta cage
Et pars à la rencontre de ton courage


inspiré de l’émission « underground democracy », écoutée au retour de « Chalon dans la rue » dimanche 27 juillet 2014 (cf. http://www.franceinter.fr/emission-underground-democracy-moscou-teheran-gaza-alger-numero-5-larbitraire-teheranmoscou-rediff)


mardi 1 juillet 2014

Biodanza

Douceur du facilitateur
Accueil des cœurs
Se laisser apprivoiser

Par le rythme de la terre
Se laisser faire

Par le chant du feu
Flotter sur la musique de l'eau

Emporté dans les airs
Devenir oiseau
Retrouver la légèreté et l'insouciance
Oublier son cerveau
Penser avec les tripes
Les jours suivants le corps encore se souvient et s'agrippe
Voyager dans tout ses sens
A l'instant la biodanza mène la danse

pour en savoir plus sur cette saine activité : http://olivierhummel.fr/

lundi 16 juin 2014

Poésie sensorielle

Poème serein

Se laisser happer par les hauteurs
Marcher en douceur
Contempler le silence
S'asseoir sur les crêtes en toute confiance
Montagne foyer de mon ressourcement
Je ne me lasse jamais de déguster tes reliefs calmement
Profondeur
Force
Plénitude
Le repos des grands espaces est permanent malgré l'habitude



Poème angoissé

Stress
Agitation
Impatience
Peu de lieux m'agressent autant que les centres commerciaux
Standardisation
Monotonie
Tentation
L’indécence de certaines propositions
La mièvrerie des bandes sons
Tout me pousse à faire vite
Ne pas s'attarder
Envie d'être ailleurs
Ne pas rester



Atelier d’écriture, MJC de Portes les Valence, Lundi 16 juin 2014
où j'avais proposé la consigne suivante :
listez les sensations que vous évoquent un lieu que vous appréciez
listez des rimes et des sensations associées
composez une ode à ce lieu !


Le même jour, 2e proposition :
choisissez un mot
listez ce à quoi il vous fait penser
jouez avec les sons, les lettres, les répétitions
rédigez un texte court à partir de cette matière...


Se retrouver

D'emblée convié par mon égérie
Je me rendais en Algérie
Parti sur un nuage
Je parvenais à l'autre rive à la nage
Terminant dare dare j'arrivais à plat
Et retrouvais mes proches réunis en tas
Couverts de bosses
Ils avaient subi les coups d'une rosse



lundi 2 juin 2014

Portrait chinois

Tacatatam
Tacatatam
Tacatatacatatacatatam

Une bicyclette roule nonchalamment sur une petite route bordée d'éclatantes couleurs d'automne
D'une berme à l'autre elle hésite entre la nostalgie de la saison passée et l'espoir de la neige à venir
Sa course est monotone mais la nature alentour ne se lasse pas du chant régulier de son pédalier

Tacatatam
Tacatatam
Tacatatacatatacatatam

Soudain une pivoine délicieusement odorante se met à ses trousses
Tentant de déséquilibrer son rythme cyclique

Tacatatam
Tacatatam
Tacatatacatatacatatam

Mais droite sur ses jantes la bicyclette ne vascille pas

Tacatatam
Tacatatam
Tacatatacatatacatatam

Jusqu’à ce qu'elle soit attirée par l'appétissant fumet d'une bonne soupe pleine de légumes
Le guidon change de cap
La pivoine suit toujours et s'emballe même un peu

Tintintin tin tin tin tin tindindindindindindindindin

Un chat veille sur la marmite étendu au soleil près du feu
Malheureusement il ne profitera pas du repas du soir
La bicyclette et la pivoine déboulent sans crier gare et attérissent dans la marmite avec force trompettes et tambours

Taaaam tagadadagadadam


Atelier d’écriture, MJC de Portes les Valence, Lundi 2 juin 2014
où j'avais proposé la consigne suivante :
chacun liste les éléments d'un autoportrait chinois puis on échange les listes et on rédige un texte à partir de ces éléments. J'ai utilisé la liste de Marie Thérèse : chat, pivoine, Boléro de Ravel, feu, espoir, bicyclette, automne, soupe de légume !

 

jeudi 22 mai 2014

Ode au camion fourchette

Un avantage de la cuisine nomade
Offrir à celui qui la pratique
Une activité moins solitaire
Que s’il la vivait dans une cuisine sédentaire

En effet, hormis la période de doute et de chaos
Qui précède à tout grand saut
Tel un navigateur des temps modernes
Le capitaine en coulisses solo construit ses cartes
Mais il est rarement seul ensuite à maintenir le cap

Toujours accompagné du chant de sa fidèle sirène
Qui le guide en poisson pilote
Malgré les remous qui la ballottent
Elle rassemble autour de lui ses compagnons
Dont elle flatte l’oreille de ses chansons

Son équipage ainsi formé
Le capitaine, nez au vent, toutes voiles dehors, concentré
Ne vous embarque pas à bord d’un trois-mâts goélette
Mais sur le pont du camion fourchette

Une fois son navire armé
La place de chacun désignée
Laissez-vous emporter par la passion d’une irrésistible aventure humaine

Un seul objectif pour cette épopée sensorielle
Accoster de nouveaux rivages
Conquérir de nouveaux palais
Une seule mission
Convertir
à de nouvelles saveurs tous ceux rencontrés

A bord du camion fourchette
Partez pour un voyage métissé, coloré, épicé, plein de générosité
Laissez-vous surprendre par la magie de parfums inédits
De la douce plaine d’Alsace aux austères crêtes jurassiennes
Le couteau claque le maloya en écho aux contreforts de la Fournaise

Ô bien sûr le périple est long et difficile
Mais on peut compter sur l’endurance d’un grand navigateur
Pour nous mener aux rives de nos papilles subtiles

Et au bout de la route et à chaque escale toujours la même satisfaction
Le plaisir du travail bien fait
De la tâche bien accomplie
Et surtout le sourire des ventres bel et bien remplis

Alors qu’on se le dise
Si le plaisir du camion fourchette se traduit dans l’assiette
C’est qu’il est déjà présent dans ceux qui le font

Dans leurs cœurs et dans leurs têtes

Alors ho ho ho !
Souquez ferme matelots
Le camion fourchette vous embarque pour un voyage qui ne manque pas de sel
Une aventure qui ne manque pas de piment
Et à table maintenant


Hommage à mes amis Philippe et Nicole,

nouveaux entrepreneurs aventuriers !



samedi 17 mai 2014

N+1

Tapis dans l’ombre
Au fond de toi
Toujours là
Dans chacune de tes cellules
Dans chacun de tes pores
Dans l’air que tu respires dans chaque particule
Rongeur insatiable
Appétit grand ouvert
Prêt à bondir
A chaque appel
A chaque murmure
A chaque battement d’aile
Un R bien roulé
Une mangue sucrée
Une crête ouverte sur un espace large et fort
La sirène d’un paquebot en écho sur le port
Prêt à repartir
Répondant sans condition
Sautant sur l’occasion
Succombant au désir
Trois chaussettes au fond d’un sac
Tout le reste aux quatre vents
Suis tes pas vers le ressac
Le nez bien en avant
Marche avec gourmandise
Le voyage t’embarque
T’accueille d’un rêve à l’autre
De rives douces à la banquise
Gratte le ciel
Tutoie les cieux
Le voyage nourrit tes espoirs
Alimente ta vie
Compagnon idéal
Généreux
Invite-le dans chaque particule d’air que tu respires
Laisse-le s’insinuer dans chacun de tes pores
Gonfler d’énergie chacune de tes cellules
A en éclater
A rebondir en pluie fine
A chatouiller ta peau
Absorbé
Tapis dans l’ombre
Au fond de toi
Toujours là