Les cris du jour ou l'écrit du jour ? C'est peut-être le texte de la semaine (et pourquoi pas de l'année ?!!!!)
directement sorti de mon inspiration poétique, où chacun est libre de traverser la frontière entre fiction et réalité...
Bonnes lectures !

mercredi 21 mars 2012

Je ne verrai pas

Je ne verrai pas Pépé revenir de la fac de médecine
vu qu’il a donné son corps à la science
Je ne verrai pas le temps ralentir
Je ne verrai pas le train partir
si je suis dedans
Je ne verrai pas mes dents se dissoudre
sauf si je confonds le Coca et le Stéradent
Je ne verrai pas disparaître les logos ni les slogans
est-ce si grave pour autant
Je ne verrai pas les marchand-crapauds se transformer en prince-charmants
Je ne verrai pas le dernier tétard
Je ne verrai pas ma dernière heure
puisque j’y serai encore en retard
Je ne verrai pas le rebours du compta
Je ne verrai pas le voyage dans le temps
Je ne verrai pas mes cellules se rassembler en Picasso après le premier voyage dans le temps
Je ne verrai pas la technologie remplacer la poésie
Je ne verrais pas la poésie remplacer la philatélie
Je ne verrais pas les timbres lécher des langues
Je ne verrai pas de lettres envelopper des mots
Je ne verrai pas de pansements soigner tous les maux
Je ne verrai pas Mémé tomber de la moto de si tôt
vu que Pépé ne la conduit plus la moto

Atelier d’écriture animé par Pierre Soletti - Saute Frontière/Médiathèque de Saint Claude - 21/3/12

L’enfant que vous fûtes

L’enfant que vous fûtes entre dans cette pièce.
Serait-il fier ? De qui vous êtes devenu ? êtes-vous devenu vous même ?
Imaginez qu'il vous prenne par la main. Seriez-vous prêt à le suivre ?
Seriez-vous prêt à tout reprendre à l'endroit... où tout à dérapé ?


-    t’es content de toi ?
-    moui…
-    c'est-à-dire ?
-    bin j’ai quand même réussi à convaincre celle que j’aime de m’épouser, de grimper sur les plus hautes montagnes et d’en revenir vivant, de mettre au monde notre enfant, de les embarquer tous les deux dans une nouvelle aventure qui va sans doute être encore bien folle, …
-    oui, bon ça va ! et alors ? ça t’apporte quoi ?
-    bin j’suis plutôt content de ça…
-    et aux autres, ça leur fait quoi ?
-    bin j’sais pas… ça les fait peut-être un peu rêver comme moi ? et puis toi d’abord, qu’est-ce t’en dis ?
-    ouais, pas mal ?
-    comment ça pas mal ?
-    bin moi, ce qui me fait rêver c’est plutôt de devenir un albatros et de voler…
-    ha oui ! j’ai déjà fait ça en rêve au dessus de l’océan et puis en avion et aussi en parapente…
-    pffffrrr ! tu parles !!! ça vaut pas tripette tes trucs, t’es même pas devenu un vrai oiseau !
-    bon d’accord mais de quoi tu rêves encore ?
-    de diriger un grand orchestre pendant au moins toute une symphonie et puis d’aller sur la lune et aussi de voler au secours des innocents qui se font tuer par des méchants…
-    ok ! t’es bien gentil mais ça, c’est des rêves de gosse ! dans la réalité tu peux pas faire tout ça. Par contre, tu peux en faire un peu, des petits bouts, par-ci, par-là… Tiens, par exemple, ton idée de superhéros et bien je suis sûr qu’elle est toujours un peu en moi dans mon métier, tous les jours mais je n’y pense pas vraiment.
-    blablabla ! tout ça c’est des justifications de grand ! en fait, tu flippes ! et alors que quand moi je rêve de sauter du haut d’une immense falaise pour voir ce que ça fait, toi tu n’y penses même pas avec un parachute ! na !
-    ok bonhomme ! on y va ! elle est où ta falaise ?
-    là-bas : au bout de la prairie.
-    « je suis dingue de suivre ce gosse ! au mieux je finirai plâtré de la tête aux pieds, au pire… mieux vaut ne pas y penser !»
-    bon, alors ! tu te décides ?
-    ok ! à 3 on y va ensemble.
-    (en chœur) 1,2,…
-    heu en fait je suis pas si sûr que ça… tu veux bien qu’on se tienne la main ? souvent, les grands ils font ça pour aider les plus petits.

à 3, main dans la main, du même pied, nous nous élançons
d’abord nous sentons que nos corps quittent l’apesanteur
pendant quelques instants l’attraction terrestre n’a plus prise sur nous
puis, comme des boulets, nous dévalons à toute allure
mes deux cœurs battent à tout rompre
jeune et vieux, ensemble, nous jaillissons d’adrénaline pure ultra concentrée
j’exulte doublement
nous vivons la racine carrée de notre extase

à propos de racine…
le sol s’approche dangereusement vite
je sens ma petite main me serrer très fort en hurlant : « REMONTE ! »
-    t’es malade, on va s’écraser !
-    rappelle toi de ton vol au dessus de l’océan, REDRESSE BON SANG !
sois un homme mon vieux !
réveille l’albatros qui est en toi !
-    « j’hallucine… nous changeons de cap ! les cimes nous chatouillent le nombril ! »
t’as réussi à me faire voler p’tit con !
-    tu vois quand tu veux !
-    t’as gagné ! demain je nous mets à la danse !

Atelier d’écriture animé par Pierre Soletti - Saute Frontière/Médiathèque de Saint Claude - 21/3/12